Loque, II

Publié le par maya

 
Carré de marbre jaune rafraîchi, registre où tout est consigné, chambre de l’œil, recentrage des organes. Invention nouvelle. Enfile ce slip et contemple l’entrée du bâton privé de la double bourse en peau, de ses Euménides, ses petites charcuteries, ses figures négatives en biseau d’essoufflement. Dans les chants de l’enfance et le chiffre neuf, corneille et corbeau font corbeille, parfaite maîtrise de soi. J’allume/ j’éteins mon désir d’un coup de langue tout bête, comme ceci, le ressort joue à volonté : calme miroir des eaux, plumes flottant mollement incurvées, fluettes, blanches virgules, reflets d’Olympe, oscillations de barques légères, cygnes majestueux, graves et dignes comme des préfets, etc. Pour finir, je fais aussi point tabac, restauration rapide et figurines en terre et sève d’hévéa, au stade où s’inverse le rapport travail/prix avec des fonds de cuves. Jamais en paix ni serein. Regardez-le courir, on dirait qu’il a le doigt coincé dans une porte et qu’il crie à l’assassin ! Une boule graisseuse roulée pendant des heures entre les paumes, en trois coups un prisme, un lingot, une éponge à filtrer et que les ferrets du lacet se rejoignent pile. Mais alors vraiment pile. De la mercerie de pointe. Fermeture Eclair semi-extensible à l’endroit de l’impact. Qualité potable des selles et des urines. Dans l’absolu, c’est de la panne de velours. Gantée d’un tissu de Flandre et d’Espagne, une main en bois sert de gabarit. Lyrique mais sobre, se mange à même la pierre fraîche, plaît aux belles âmes sans pour autant les scotcher à leur fauteuil, évite les inondations de boues curatives par le biais de siphons habilement disposés et permet d’observer à la fois la vie des infusoires dans leur milieu naturel et la différence à l’oreille entre le cutter et locuteur, loqueteux et le couteau. Depuis je ne suis plus le même. Inversion des poumons, la salive de plusieurs crachats rassemblés : tu te désignes par ton mal au lieu de ta peau, en chasseur qui a tout liquidé. Mais va donc te faire sucer la moelle par des poux,  par la lie de la société des poux, par les pires poux qui soient à la surface du globe… Ton intérieur est bientôt tourmenté comme une betterave, comme une langue si exacte et si pointue qu’elle change tous les cent mètres. Et te voilà polisseur de perles, de billes à roulements, tu tranches dans le vide avec ton petit couteau à la lame a) émoussée, b) affûtée, c) aiguisée. Jusqu’à ta figure qui est coupée en deux. Tes poumons qu’on vient d’inverser sont pleins d’eau et de glaires. En cela nous sommes apparentés : mêmes yeux, mêmes bras tendus. Tu te réveilles en pleine nuit comme moi pour peser des objets microscopiques et tu es gonflé à bloc. Genre : sa famille le mène au tombeau par une pression de trois bars (soit trente pascals puissance cinq). Un cœur tout sec, un cœur étreint dans un torchon, entre adultes. Comme de la purée. Et quoi ! ces élancements ne seraient qu’une douleur fictive, et ce fleuve au cours si harmonieux et si ample de proportions rien d’autre qu’une plaie suppurante, une loque, un noir bandage au nom corrompu et vicié d’humeurs ? Est-ce que je peux te revouvoyer ? Bien. Vous le retournez à plat, face (la vôtre) contre terre. Les bords sont dégagés, un poil rafraîchis, sans plus. Vous pliez une fois. D’accord. Vous pliez une seconde fois. A ce stade vous éprouvez une petite résistance mais ça ne doit plus présenter qu’une seule face (la sienne). Vous relâchez par paliers (un palier dure le temps de souffler un peu). La jonction escomptée s’opère. C’est fini. Ça sent l’ange ici, la chair d’ange. C’est des pourceaux qui courent entre nos jambes. Une bonne hygiène de vie, un sexe intact mais mal formé, inerte, oblong et tordu. Tu imagines ta vie divisée en chapitres, comme un collier de perles ? Viens à jeun, tu goûteras. Le tout dans la malle en osier moitié prix, les grandes phrases, les attestations, la superficie repliée, bref, que du concret, livré avec kit de survie lyrique en mousse, médium et grandes tailles, clavier rapide, écran plasma incolore. Vu de loin, le cylindre d’apoplexie ressemble à un ballon d’eau chaude avec deuil écrit dessus à la main, un v en plein milieu, genre inscription latine ou équivalent. Une septicémie déclarée, affreuse à voir dans un si jeune organisme. Or, une laisse ne laisse ni le chien ni le poème. En deux jours l’infection se propage. On part n’importe comment dans les Dolomites. Un as du ring ou du volant te rend visite en voisin, apportant un palmier en pot et des objets. Certains pour éviter la pluie et l’anticiper. Grand choix de verniers au dixième, au vingtième, avec réglette à coulisse pour les longueurs et les angles. Nécessaires de couture, de bain et de deuil. Poids en cuivre, en laiton, en alliage. Marbre moulé. Petite, montre-moi cette bouteille pleine de sang, d’ici on dirait du sérum. La capacité du bassin a doublé d’un coup, comme on déplace un curseur. Elle est boudinée là-dedans mais ça ne se froisse pas, c’est du crêpe ou du reps ou je ne sais quoi. Un produit certifié, quasiment extrait à la cuiller, grain par grain. La dépouille d’un animal méconnaissable, un paquet d’algues noircies, oxydées par les intempéries et le passage du temps, une matière fuligineuse répandue et presque mélangée à la terre. Les distances réelles s’apprécient en foulées : en quelques foulées, c’est-à-dire très vite (le même nombre exactement qu’entre deux haies à la course), tu vas du point a au point b. Même chose pour les volumes. Avec ces yeux-là on peut compter jusqu’à huit douzaines à la minute. On repère l’embout idéal en céramique, celui qui s’adaptera au quart de poil, on gagne un temps précieux. C’est prouvé. Et dans cet autre chant de l’enfance, la mère du hibou noyé a les yeux pleins de larmes, un convoi funèbre chemine parmi des calvaires et des exemples variés de géométrie dans l’espace, entre deux rangées de peupliers d’Italie : c’est un panorama qui sent encore la peinture mais empreint d’une noble élégance, très chic, cependant qu’on entend dans la foule s’élever des cris d’aliments blancs : Au charbon ! Au charbon ! et ces aliments sont les monstres blancs ou bruns qu’on trouvera chez n’importe quel lecteur un peu cultivé. C’est bien du sérum, finalement. Un bouillon aigre mais bienfaisant, réparateur. Plongeant dans les flancs de la volaille ou de l’agneau mort et pas encore apprêté le couteau généreusement graissé au préalable et en prélevant une mixture de jus noir et d’entrailles telles que foie, rognons, cœur et sous-produits divers qui ont une heure montre en main pour s’expliquer. C’est une énigme à résoudre, cher client : il y a un tableau de bord bien imité ; sur ce tableau mon nom, et ces mots notés derrière la glace : moi dans un miroir. N’y touche pas, c’est tout gluant mais ce n’est pas de la glu. Il faudrait un appareil à mesurer la souplesse et la viscosité, et un autre pour les points-poésie. Alors vas-y, fleuve puant, fleuve de mort et de désolation, vomis la bile du sachet membraneux ! Tu n’es huileux qu’en apparence et dans certains récits du passé. C’est comme si tu faisais du mortier sans les mains. Lotion chlorée contre la perte des êtres chers, en dosettes ou en flacon familial. Ici des sous-vêtements pour l’hygiène et là des foies séchés. Un ciel d’un bleu pur, presque blanc et incolore à l’œil, indique midi, midi et quart. Tu cherches à la fois un accès et une issue, l’accord gagnant/gagnant cœur et poumons qui reste un idéal. Ce prurit, ces démangeaisons partout, c’est le système neuro-végétatif. Je fais pareil avec ma langue. Attends, lecteur ! avec ma langue je fais deux choses, de même qu’on est lecteur et client ! Tu mets tes jambes en équerre et tu cours, tu fonces devant toi sans moufter, comme un escroc, comme un gibier, comme un abruti. Ça implique esprit de corps et abnégation.

Dominique Quélen
 

Publié dans textes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
merci pierre de ce petit mot ! il y avait de bien belles choses dans cette nuit de la cité véron : sagot-duvauroux, mauche, etc.ne reste plus qu'à attendre la troisième édition...
Répondre
P
Il fallait entendre la lecture de ce texte lors de la magnifique soirée de remue.net, qui a eu lieu samedi 23 juin à la Cité Véron. L'enregistrement devrait être très bientôt disponible en ligne. sur le site de la revue : http://www.remue.netIl faut attendre encore peu pour l'entendre à nouveau. Je suis impatient.
Répondre