Avoir lieu - extrait

Publié le par plexus-s

 

[Avoir lieu : à paraître aux éditions Dernier Télégramme, novembre 2010.]

 

 

 

- 73. Pente du Vésuve. Italie. Un enfant de 10 ans. Il prend la parole. Il dit. Si adulte est le participe passé de adolescere : grandir. Si adolescent est le participe présent de adolescere : grandir. Si le passé porte avec lui le poids d'un achèvement : et d’un arrêt. Si le présent traverse les corps par la vitesse : qui ne s’arrête pas. Si le présent traverse les corps par la vitesse d’un mouvement : qui ne s’arrête pas. Si le présent quand il traverse un corps : le traverse comme un son traverse l’espace. Si le présent quand il traverse un corps le fait vibrer comme un son fait vibrer l’espace. Si la sensation que donne le présent quand il traverse un corps : ouvre le corps à la vitesse du temps qui passe : et ne s’arrête pas. Il dit. Si je sens le passé en moi comme une vibration qui ne s’arrête pas et continue d’avoir lieu, sans cesse, au présent. Si je sens la vibration du passé vibrer sans cesse avec la vibration du présent. Si je sens la vibration du présent qui passe : sans arrêt. Si par la vibration du passé, je passe d’un temps à un autre. Si par la vibration du présent, je passe d’un corps un autre. Si j’entends la passe dans le passé. Si j’entends la passe et le lien qu’elle tisse entre un temps et un autre. Si j’entends la passe dans le présent. Si j’entends la passe et le lien qu’elle tisse entre un corps et un autre. Si j’entends par le présent de la passe le présent de l’espace entre deux corps. Si j’entends par le passé de la passe le temps passé entre deux temps. Si j’entends entre deux corps – à deux temps donnés de leur vie – ce qui passe de l’un à l’autre. Si j’entends entre deux corps – à deux temps donnés de leur vie – ce qui se détache de l’un et s’approche de l’autre. Si j’entends entre deux corps – à deux temps donnés de leur vie – ce qui détaché de l’un pénètre dans l’autre. Si j’entends le présent des corps par ce qui s’en détache et les relie. Si j’entends le présent des corps par ce qui les pénètre et les sépare. Si j’entends le présent des corps par ce qui les bouleverse et les anime. Si j’entends le présent des corps par le mouvement vibrant de leur abandon. Si j’entends le présent des corps par le mouvement vibrant de leur attention. Si j’entends le présent des corps par le mouvement vibrant de leur approche. Alors. Il dit je suis un enfant et en tant que tel je suis défini comme un être sans la parole. Je suis un enfant et si je prends la parole mon corps d’enfant se détache de moi. Si je prends la parole je m’éloigne de l’état qui me définit. Je me sépare. Je m’approche. Je grandis.

 

Marc Perrin

 

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