Soustraire (extrait)
au goût du sang
à l’odeur de la sève
à la poussière
aux oripeaux à la gloire de ton nom
à ceux qui me dévorent, à ce que je dévore
se soustraire au bois, à l’odeur de ta sève, à la poussière d’un nom
à la gloire de ton sexe aux oripeaux de sang et
au renoncement – se soustraire à ce qui
m’ignore et me détruit à ce qui me tourne
le dos qui me montre la nuque qui ne me
connaît pas qui ne me
prend
pas
tel que je suis
un monstre un singe un ours une furie sans
visage sans un seul visage sans nom sans
un seul nom corps de femme et
yeux de cerf bois outrageant mâle et
femelle, perdu, perdue, errante, errant ;
indifféremment bouc ou chèvre et
ma langue dans toutes les langues et
ma bouche dans toutes les rivières
le goût de la sève l’odeur de ton eau
poussière de nos os se soustraire
à la mort qui n’est autre que toi
lorsque point en moi le désir de ne pas te ressembler
d’être sans ressemblance et sans pareil
sans partage, pas du même monde ni de la même
langue mais de la même terre
celle qui salit mes pieds celle qui
ronge mes mains celle dont ma bouche est pleine et que j’étouffe en
suçant longuement la dernière fleur
de trèfle et son arôme sucré loin
après la fraîcheur du printemps.
l’été est là et bien que
je sois
animal au sang froid
je ne peux me soustraire,
..
à sa chaleur.
*
le moment où tu écris
ne te sauvera pas du monde dans lequel tu vis
et n’en sauvera rien.
*
Lucie Taïeb